La restauration des cours d’eau, un aménagement qui profite à tous.
Qu’entend-on par « restauration » ?
La restauration, qui englobe d’autres termes fréquents tels que la reméandration ou la renaturation des cours d’eau, est définie comme « l’établissement de processus hydrologiques, géomorphologiques et écologiques améliorés dans les bassins versants dégradés et le remplacement des éléments perdus, endommagés ou compromis du système naturel » . Cette définition, somme toute indigeste, est bien sûr large et permet une subjectivité sur le sens que l’on donne au mot « amélioration ». Pour faire simple, la direction générale d’un projet de restauration aura presque toujours pour objectif de rapprocher le cours d’eau au maximum de son écosystème naturel d’origine.
Quelles sont les caractéristiques du cours d’eau qui sont modifiées ?
Trois caractéristiques sont systématiquement prises en compte lors de l’analyse d’un cours d’eau : la qualité biologique bien sûr, mais également la qualité physico-chimique et surtout la qualité hydromorphologique de celui-ci . Si la détérioration des deux premières caractéristiques est typiquement liée à la pollution du cours d’eau par des rejets privés et industriels, la qualité hydromorphologique a quant à elle plus généralement été modifiée par des interventions, souvent plus anciennes, destinées à rendre des services tels que la lutte contre les inondations (rectification du linéaire et curage afin d’augmenter le débit), l’irrigation, ou le drainage de parcelles agricoles.
Afin de caractériser l’état hydromorphologique du cours d’eau à restaurer, on utilise notamment la balance de Lane (figure ci-dessous) . Celle-ci permet de déterminer l’équilibre à atteindre entre le débit liquide et solide, entre le phénomène d’érosion et de dépôt. Un cours d’eau équilibré est composé de zones d’érosions, les radiers (débit rapide, granulométrie élevée, fond peu profond), et de zones de dépôt, les mouilles (débit lent, granulométrie faible, fond profond). Cette succession de séquences, associée aux méandres et à la composition des berges, va permettre l’apparition de différentes niches écologiques et être à la base de la qualité biologique du cours d’eau. Celle-ci est caractérisée par la présence de certains macrophytes (plantes aquatiques), macroinvertébrés (larves d’insectes par exemple) et de poissons.
Pour finir, un tracé diversifié et équilibré va également permettre au cours d’eau de récupérer une partie de sa capacité d’auto-épuration, et ainsi atteindre une meilleure qualité physico-chimique. Cette dernière est caractérisée par l’indice Seq-Eau, indice qui reprend la concentration d’une trentaine de composés. Sur ces exemples, on observe aisément l’interconnexion entre les différents éléments qui composent le cours d’eau.
Comment s’y prend-on pour restaurer le cours d’eau ?
Si une modification du linéaire doit être réalisée, les entreprises qui se chargent de ce type d’aménagement vont d’abord étudier la zone, de manière à retrouver le tracé initial du cours d’eau, aligné au thalweg (zone d’altitude la plus basse, chemin préférentiel du cours d’eau), ou bien refaçonner des méandres en s’approchant le plus possible d’un cours d’eau naturel. Les engins utilisés sont spécifiques, de manière à causer un minimum de dégradations à l’environnement lors de la réalisation des travaux. On va ainsi utiliser des engins avec des chenilles élargies, réaliser des pêches électriques afin de transférer les poissons de l’ancien cours d’eau au nouveau, griffer les berges de l’ancien cours d’eau avec des pelleteuses afin de faire fuir la faune qui trouvera refuge dans le nouveau linéaire.
Dans le nouveau lit, des roches de granulométries différentes sont déposées afin de recréer directement les radiers et les mouilles qui vont réoxygéner l’eau et laisser des zones de calme favorables à la biodiversité. Le gravier peut être récupéré de la section du cours d’eau qui ne sera plus utilisée, ou amené depuis une carrière locale.
Des magnifiques exemples de ce type d’aménagement sont disponibles sur YouTube :
Syndicat Chère Don Isac
trophée national génie écologique 2022
Mais à quoi bon ?
En transformant son environnement, notre société a toujours visé à améliorer la qualité de vie des citoyens, sans se rendre compte de ce qu’elle perdait en détériorant les écosystèmes.
Comme bon nombre de milieux, les cours d’eaux naturels offrent des services écosystémiques majeurs qui peuvent être retrouvés grâce à des projets de restauration. De la lutte contre les inondations à la qualité de l’eau, tout en passant par l’aspect culturel de la remise au naturel des cours d’eau, les bienfaits apportés aux citoyens sont innombrables.
Tout d’abord, parce que l’actualité nous a montré l’importance de la lutte contre les inondations. Un cours d’eau alternant les hauts et bas-fonds, dont le lit est tapissé de gravillons et de rochers et qui serpente entre les plaines et les arbres sera un bien meilleur allié qu’un canal artificiel rectiligne. On a en effet pu constater un changement de paradigme ces dernières années, passant de l’évacuation rapide des eaux au ralentissement de celles-ci, du curage systématique à la reméandration. Ceci permet d’écrêter les pics de crues, de dissiper l’énergie accumulée, afin de limiter les débordements, et la violence de ceux-ci.
De plus, le curage va limiter l’infiltration de l’eau dans le lit, limiter la recharge de la nappe , et participer à l’asséchement des têtes de bassin versant . Si le curage n’est plus prioritaire, il reste néanmoins conseillé sur certaines zones limitées où un ralentissement est impossible à mettre en place (par manque d’espace). Dans ces cas, il est également conseillé de faire suivre ces zones rapides par des zones de débordement afin de ne pas augmenter le risque d’inondation des zones en aval du curage.
Ensuite, parce que grâce à la morphologie du cours d’eau qui va créer des niches écologiques utiles, et lui rendre ses capacités d’autoépuration, la biodiversité va s’en voir grandement améliorée. Certains poissons, comme les truites, ont en effet besoin de zones rapides et oxygénées afin d’y pondre leurs œufs. D’autres espèces, comme le martin pêcheur, ont quant à elles besoin de hautes berges afin d’y creuser leur nid.
Cette biodiversité, apportant de la beauté et du calme, va accroître l’attrait du site restauré, et sa qualité peut permettre le développement d’activités économiques et culturelles. Des sites de balade peuvent y être aménagés, afin de créer des lieux de reconnexion entre l’homme et la nature, des activités nautiques comme le kayak ou la nage peuvent y être proposées.
Donc, pour répondre à la question « à quoi bon ? » : parce que tout est bon dans la restauration ! Si cet article vous a intéressé, mais que vous souhaitez en apprendre davantage, nous vous recommandons la lecture de l’article « Pourquoi restaurer ? » de Pierre Mangeot en suivant ce lien : https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/3_conn1_dynfluv_vbat.pdf
- Wohl, E. (2005). River restoration. Water Resources Research, 41(10).
- SPW. (2013, Décembre). La restauration hydromorphologique des cours d’eau en Wallonie : premiers retours d’expérience – Guide technique.
- P. Mangeot. Pourquoi restaurer ? – Manuel de restauration écologique des cours d’eau – Onema 2010
- SMBVAR – Basses vallées angevines et Romme. (2022, 14 décembre). Renaturation du ruisseau de Marcé – trophée national génie écologique 2022 [Vidéo]. YouTube.
- Syndicat Chère Don Isac. (2022, 1 décembre). Restauration hydromorphologique des cours d’eau – Syndicat Chère Don Isac [Vidéo]. YouTube.








