La Truite fario

La Truite fario

Vous connaissez certainement la truite de nos rivières, ne serait-ce que de nom. Peut-être savez-vous qu’en Wallonie elle est pêchée dans son milieu naturel à partir du 3e samedi de mars jusqu’à la fin du mois de septembre. Mais savez-vous que la Truite fario est une proche parente du Saumon atlantique ? Que sa présence dans un cours d’eau constitue un bon indicateur de la qualité physico-chimique de celui-ci ? Que différentes actions de conservation de l’espèce sont entreprises dans le bassin de la Senne ? Voilà ce que nous vous proposons de découvrir dans les pages qui suivent…

Comment la reconnaitre ?

Pour reconnaître facilement la Truite fario, il est intéressant de la comparer au Saumon atlantique car ces deux espèces, toutes deux du genre Salmo, présentent des caractéristiques physiques similaires. A cette fin, nous allons décrire leurs ressemblances et leurs différences. Nous allons aussi découvrir qu’il existe une autre truite présente dans nos régions… La Truite arc-en-ciel.

Au stade juvénile, la coloration de la robe est semblable chez les 2 espèces. Adulte, il est plus facile de les distinguer car le Saumon a le flanc argenté. Elles ont toutes deux un corps élancé et en forme de fuseau, ce qui leur permet de nager rapidement. Leur corps est tacheté de noir et leur ventre est blanc.

La couleur de leur robe varie en fonction des écotypes et des habitats fréquentés mais aussi en fonction de l’âge et du sexe de l’individu. La Truite fario est généralement de couleur brune. Son dos peut être foncé à vert clair et ses flancs nacrés à jaunâtres. Parfois des points rouges cernés de clair sont également visibles. Le Saumon atlantique adulte quant à lui présente, à son retour du milieu marin, une robe brillante et argentée. En période de reproduction, ses flancs se teintent en brun orangé et des taches rouges et pourpres se développent.

La Truite fario se distincte au niveau de la forme de sa nageoire caudale peu échancrée à extrémités arrondies alors que son cousin le Saumon a une nageoire caudale échancrée à extrémités pointues. D’autres caractéristiques les différencient au niveau des couleurs de la nageoire adipeuse et du maxillaire, plus proéminant chez la truite.

La Truite arc-en-ciel, qui provient d’Amérique du Nord, a été introduite dans nos régions depuis 1880. Elle occupe les mêmes niches écologiques que la Truite fario et se nourrit des œufs et alevins de celle-ci. C’est pourquoi, elle est considérée comme une espèce exotique envahissante. La Truite arc-en-ciel est moins proche physiquement de la Truite Fario et du Saumon atlantique. Elle appartient d’ailleurs à un genre différent : le genre Oncorhynchus.

Quel milieu convient a la Truite fario ?

La Truite fario vit dans des rivières à eaux vives, douces, fraîches (température entre 0 et 20°C, maximum 22°C) et riches en oxygène (O2 > 5 mg/L). La Truite fario est une espèce rhéophile, c’est-à-dire qu’elle résiste aux eaux rapides (> 0,5m/sec) situées dans la partie supérieure des bassins hydrographiques autrefois nommée « Zone à Truite ». Ce sont des cours d’eau, ou parties de cours d’eau, étroits dont la pente est supérieure à 4,5% et caractérisés par la présence de barrages naturels et un profil en escalier. La truite réside en rivière durant toute sa vie, là où les eaux sont assez profondes et présentent des abris tel un fond couvert de graviers lui permettant de se maintenir malgré la vitesse du courant.

La Truite Fario est sensible à la température et aux concentrations de substances présentes dans l’eau. C’est un poisson farouche vivant dans une eau claire pour lui permettre de bien voir ce qui se passe dans et hors de l’eau et adapter son comportement en conséquence. Cette espèce sentinelle présente donc un intérêt écologique : elle sert d’indicateur avancé des changements environnementaux d’un écosystème car elle les signale avant les autres espèces.

La Truite fario adulte a un comportement territorial, solitaire et sédentaire. Elle a un régime alimentaire carnivore varié (larves d’insectes, insectes terrestres et aquatiques, mollusques, crustacés, vers, petits amphibiens et petits poissons …).

La femelle atteint sa maturité sexuelle à deux ans et le mâle à un an. Pour se reproduire, la truite migre vers l’amont des cours d’eau… à condition que les zones de frai soient accessibles et non gênées par des entraves ou des obstacles. Elle ne migre pas systématiquement vers son ruisseau natal.

Contrairement à son milieu de vie, la Truite fario se reproduit dans un courant moyen ayant une température entre 5 et 10°C d’octobre à fin février. La frayère, c’est-à-dire la zone aquatique où se reproduit une espèce de poissons et où les œufs fécondés sont enfouis dans le substrat, est pour la Truite Fario une zone peu profonde, à courant vif, constituée de gravier moyennement grossier. La femelle pond entre 1500 et 2500 œufs par kilo de son poids dans une cuvette qu’elle a elle-même creusée et les couvre ensuite de graviers. Les parents nagent régulièrement au-dessus de cette zone pour l’oxygéner et éviter sa sédimentation. La durée d’incubation est liée à la température de l’eau.

Quelles menaces pèsent sur la Truite Fario dans nos rivières ?

L’espèce est menacée par la dégradation et la fragmentation de ses habitats de reproduction et de croissance à cause des activités humaines (érosion et colmatage des frayères, barrages, sports aquatiques, …). Divers types de pollution lui nuisent également :

  • la pollution thermique causée par les industries qui utilisent et rejettent l’eau de la rivière pour refroidir leurs installations. Cette pollution peut entraîner un déséquilibre de l’écosystème en diminuant la quantité d’oxygène disponible dans l’eau et sa turbidité alors que les Truites fario privilégient les eaux fraîches, riches en oxygène et claires.
  • la pollution chimique telle que celle relevée aux points de rejet des stations d’épuration. Une étude menée par le Centre Ecotox Eawag/EPFL en 2018 a démontré que les marqueurs de stress chez la Truite étaient plus élevés en aval des stations d’épuration qu’en amont. Elle a aussi montré que les concentrations de médicaments, de pesticides et de métaux lourds y étaient plus importantes.
  • la pollution organique provenant principalement des déchets verts emportés par les crues qui entraînent un phénomène d’eutrophisation du cours d’eau. Ce phénomène crée un milieu où la vie aquatique n’est plus possible.

Comment préserver le milieu naturel des Truites fario pour en assurer leur protection ?

Les truites remontent les cours d’eau pour se reproduire et pondre. Pour les aider dans leur migration et assurer leur survie, le contrat rivière Senne (CR Senne) réhabilite certains cours d’eau en créant des aménagements et en dégageant les entraves.

Le CR Senne en collaboration avec la région, la province, la commune ou le DNF réalisent deux types d’aménagements :

  • La fixation de déflecteurs dans des pertuis ovoïdes de cours d’eau. La réalisation de ce dispositif a pour objectif de recréer des paliers qui servent de zones de repos pour la remontée du poisson et lui permette de voir la lumière au bout du pertuis. Ce type d’aménagement est nécessaire car les pertuis longs et lisses sont un obstacle à la migration de la Truite fario. Sans cet aménagement, les truites s’épuisent à remonter le pertuis sans jamais pouvoir le franchir. è enrichir de photo
  • La création d’échelles à poissons, un dispositif de petits bassins en escalier qui permet aux Truites fario de franchir un obstacle en sautant d’un bassin à l’autre. Elles peuvent être en bois, en métal ou maçonnées. è enrichir de photo

Entre janvier et fin mars, ni aménagement, ni inventaire ne sont programmés pour les cours d’eau concernés de notre sous-bassin afin d’éviter de perturber la reproduction et la migration de la Truite fario.

Durant l’hiver, dans les cours d’eau où la Truite fario est présente, les entraves, qu’elles soient intentionnelles ou accidentelles, sont enlevées régulièrement… Toutefois, toutes les entraves ne sont pas forcément enlevées car elles peuvent aussi constituer des échelles à poissons naturelles.

Aidez, vous aussi, la Truite fario en assurant un bon entretien de la végétation arborée située au-delà de la crête de berge dont vous êtes propriétaire et en stockant les déchets divers tels que les tontes de pelouse à distance raisonnable du cours d’eau !

Dans le prochain InfoSenne, nous vous parlerons des réintroductions et rempoissonnements de truites fario dans le sous-bassin de la Senne.

Références

  • Centre de la Recherche de la Nature, des Forêts et du Bois . (1998). Entretenir les cours d’eau et l’habitat des poissons . Jambes : Direction générale des ressources naturelles et de l’environnement .
  • Centre Ecotox Eawag/EPFL. (2018, mai). Centre Ecotox News. Récupéré sur https://www.centreecotox.ch/media/194510/newsletter_mai2018_fr.pdf
  • Contrat de rivière Dyle-Gette asbl, & Tricot , J.-M. (2013). Provoquer une entrave à l’écoulement de l’eau peut être néfaste pour nos rivières ! Récupéré sur https://www.chastre.be/ma-commune/vos-services-administratifs/environnement/eau-rivieres-1/chantiers-nature/fiches-de-sensibilisation/fiche-entrave-ecoulement.pdf
  • Contrat Rivière Dendre. (2019, juillet 23). EVIDendre – Repeuplement en truite fario dans La Dendre Orientale. Récupéré sur Contrat Rivière Dendre: https://contratrivieredendre.be/bassin/wp-content/uploads/2019/07/2019-07-23-evidendre.pdf
  • Département de la Nature et des Forêts. (2021). Identification des poissons de Wallonie. Jambes: Éditions SPW Agriculture – Ressources naturelles – Environnement.
  • Département de la Nature et des Forêts. (2023). Poissons de Wallonie – Les eaux vives. Jambes: Éditions SPW Agriculture – Ressources naturelles – Environnement.
  • Keith , P., Poulet, N., Denys, G., Changeux, T., Feunteun, É., & Persat, H. (2020). Les poissons d’eau douce de France (éd. 2e ). Mèze: Biotope Éditions.
  • La Biodiversité en Wallonie. (s.d.). Truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss). Récupéré sur La Biodiversité en Wallonie: http://biodiversite.wallonie.be/fr/oncorhynchus-mykiss.html
  • Maison wallonne de la pêche. (s.d.). La Truite Fario. Namur: Éditions Maison wallonne de la pêche.
  • Service Public de Wallonie. (s.d.). Poissons et écrevisse de Wallonie – Les eaux vives. Jambes : Éditions SPW Agriculture – Ressources naturelles – Environnement.
  • Vostradovsky, F. (1973). Poissons d’eau douce. Prague: Éditions Artia .
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